Des Racines et des Ailes :

La réaction officielle du SSSoviêt Supprêm

en page 12 de la PRAVDA.

Le Præsidium du SSSoviêt Supprêm vient de réagir vivement de ses petits poings à la diffusion, qui a eu lieu le 21 avril dernier, de l’émission « Des Racines et des Ailes ».

Avant de commenter, lisons :

Après démission - Vignette

Et maintenant, commentons :

« Les sylviculteurs ont été profondément choqués et je me fais leur interprète. »

Landais, groupons-nous face à l’ennemi ! Unanimissons-nous tous ensemble tous ensemble derrière moi.

Silence, une seule tête, c’est moi qui parle

et censure aux autres !

« Est-ce donc le moment de revenir à des cycles de 80 ans pour la récolte ? »

Évitons de produire stupidement de beaux pins mûrs à un coût modique dans le but de vendre du bois de haute valeur. Continuons plutôt comme on sait si bien faire, continuons tête baissée sans réfléchir, continuons à foncer dans le mur, hardi, allons-y !

Continuons de fabriquer, à grands frais mais à toute vitesse, de la biomasse minable qu’on est incapables de vendre correctement !

« Le pin maritime est le seul arbre à vouloir pousser dans ce désert de sable et ceci depuis dix mille ans. Aucune autre espèce n’a pu s’y acclimater afin d’assainir le sol et produire de la richesse et de l’emploi. Il y a quand même 35.000 emplois industriels et au moins 40.000 sylviculteurs qui investissent chaque année dans cette forêt. »

Oui Chef, bien Chef, compris Chef, on promet de zigouiller tout ce qui n’est pas du pin maritime et qui pourtant veut pousser dans nos forêts ; on jure de détruire tous les feuillus, on s’engage à assassiner les chênes, les acacias, les châtaigniers, les bouleaux, saules, trembles, vergnes, sorbiers et toutes ces espèces qui n’existent pas mais qui nous narguent tous les jours !

Quant aux autres vermines, bourdaines, fougères, ajoncs, genêts, brandes et leurs commères, on les empoisonnera sans relâche et sans distinction ! C’est l’avenir du sol qui est en jeu, on a bien appris ça, Chef ! On est au moins 40.000 sylviculteurs à faire aveuglément c’que vous nous dites. Éradiquons graminées, légumineuses, éricacées, crucifères, fagacées, salicacées, bétulacées, faunacées, floracées et toutes ces satanacées !

On investit tant qu’on peut pour contrôler tous les intrus, Chef !

« On peut certes […] tenter d’imaginer un retour vers une Nature imaginaire.

C’est à la mode, mais  est-ce raisonnable ? »

Respecter la biologie végétale ? Mais vous n’y pensez pas ! Que deviendraient nos beaux tracteurs ? Que deviendrait notre magnifique « couplage forêt-industrie » auquel nous sommes tellement attachés ? Nos pauvres industriels en deviendraient inconsolables !

Non, très franchement, ce ne serait pas raisonnable de réduire les travaux mécanisés (qui permettent à toute la filière de tourner grâce l’argent des sylvicos), pour laisser la Nature faire gratuitement le même travail !

La Nature, c’est juste un truc stupide, na ! Rompez !

« Il y a encore beaucoup de choses à dire sur cette forêt, la seule en France, capable de fournir à une région, l’Aquitaine, un chiffre d’affaires égal à celui des vins de Bordeaux. »

On l’a bien vu, encore une fois, avec l’ouragan Klaus : la commercialisation des chablis a généré un chiffre d’affaires fabuleux, extraordinaire. Ouh là là, c’est surtout les sylvicos qui en ont profité ! Oh oui alors, ça c’est sûr ! Un chiffre d’affaires énorme, énorme ! Toute la prospérité des sylvicos vient du pin maritime. L’Arbre d’Or ! Et puis alors, hein, c’est pas près de s’arrêter…

…même si, pourtant, le pouvoir d’achat du pin maritime a été divisé par 16 entre 1970 et 2008 (sans même parler de 2009 ni de 2010 !).

« Pour autant, elle n’a perdu ni son mystère, ni sa séduction… »

Le Præsidium du SSSoviêt Supprêm s’est largement foutu de nous jusqu’ici, mais alors là, c’est le bouquet final : prétendre que le Massif Landais de 2010 est encore la forêt mystérieuse qu’elle a pu être dans le passé, qu’elle aurait conservé sa séduction ! Moi je suis le Pape et mon copain c’est les Beatles. Le Massif Landais actuel (celui de 2008, juste avant l’ouragan Klaus), ce n’est en réalité que de vulgaires champs d’arbres tordus et boursouflés, des lignes de pins à croissance forcée, d’une exécrable qualité technologique, où le moindre feuillu est exterminé d’office et d’où, d’ailleurs, toute vie est absente.

Il y a une collusion – le fameux « couplage forêt-industrie » – qui, en un demi-siècle, a transformé notre belle pinède vivante et habitée en une machine à fabriquer de la pâte à papier (« un million d’hectares de papier-cul ! »), en un univers déshumanisé qui ne produit plus qu’une biomasse sans nom et sans valeur. C’est une déviance forestière. Tout cela se passe sous le contrôle des Instances SSSuprêmes.

Ces pratiques contre-nature sont en train d’engendrer des pullulations de parasites et de multiples attaques sanitaires. Tous les équilibres naturels sont anéantis.

Ce sont les conséquences directes de nos excès.

STOP AUX BOBARDS !



5 thoughts on “Lu dans la Komsomolskaia PRAVDA de Gascogne

  1. Merci pour votre réponse.
    Je me doutais, après avoir lu vos articles, que les éclaircissements pouvaient constituer une ressource « en attendant », mais je ne voulais pas influencer votre réponse.
    Attendre 40 ans, ce n’est quand même pas rien ! Même un groupe puissant aurait du mal à investir à cet horizon. En 40 ans, l’étudiant en médecine a récupéré sa mise et peut partir à la retraite !
    Mais j’imagine que personne ne démarre à zéro, et qu’on démarre avec de la forêt en partie poussée, soit par héritage soit par achat.
    Cordialement.

    1. Vous avez raison, mais la durée est peut-être l’élément le plus fondamental dans toute la foresterie. Le court terme du forestier, c’est le long terme de l’industriel, et c’est le très long terme du financier, mais ça n’empêche pas que le principe reste le même pour tous.

      Imaginez que celui qui, au lieu de pins, a des chênes, s’engage pour une aventure non pas de 40 ans, ni de 80 ans, mais de 120 à 250 ans ! Toutefois, le principe reste le même que pour un industriel, ou pour un étudiant, ou pour un groupe puissant : définir des objectifs et mettre en œuvre les moyens de les atteindre. Cela dit, il aura besoin d’un banquier pour tenir le siège aussi longtemps.

      La plupart du temps, la propriété est composée de peuplements variés ayant des âges divers. C’est l’équilibre des classes d’âge entre les différents peuplements qui, en général, fait office de banquier, l’idéal étant qu’on ait en permanence du bois à commercialiser pendant que les plus jeunes sont en train de pousser.

      Bien entendu, le malheureux qui n’a dans sa forêt que de très jeunes arbres aura besoin de revenus extérieurs pendant de nombreuses années : pendant toute la durée de construction de son usine à bois.
      Bien amicalement !

  2. Adishatz !
    Non sylviculteur, généraliste, aimant les Landes de Gascogne, je suis réceptif à vos arguments, qui rejoignent ceux de l’agriculture bio.
    J’ai d’ailleurs commencé à donner un écho spécial à vos sites sur Gasconha.com et ailleurs.
    Mais que répondez-vous ceux qui vous demandent comment ils vont vivre en attendant de pouvoir vendre des pins de qualité de 80 ans, sachant qu’ils n’ont que de jeunes pins ?
    C’est le problème de la conversion, qui me parait plus épineux, à cause de rythmes biologiques très lents, que dans l’agriculture bio, où il se pose déjà.
    Merci

    1. Cher Monsieur,

      Vous êtes le premier à soulever ce point crucial et très intéressant : comment trouver des revenus pendant 80 ans, tant que les pins ne sont pas encore mûrs ? Votre question est très pertinente, mais on pourrait la poser dans tous les cas où l’on cherche à constituer un capital à partir de presque rien. Par exemple lorsqu’un industriel monte une nouvelle usine, ou bien lorsque vous commencez vos études de médecine, ou quand vous fouillez un ruisseau à la recherche d’or… On part pour une longue aventure, pleine d’incertitudes, mais pleine aussi de perspectives alléchantes ! Des perspectives bien plus ambitieuses que celles auxquelles on se limite habituellement.

      Cela dit, en plus des perspectives alléchantes vous aurez, pendant cette longue période de maturation des pins, une série de recettes intermédiaires issues des diverses éclaircies, tout comme dans un itinéraire habituel. Il faut éviter que la forêt soit surchargée en bois, et il est donc important d’en retirer régulièrement afin que les arbres les plus jolis puissent s’épanouir. Quand vous éclaircissez des bois de 40 ans, de 50 ans, ou de 60 ans, vous en tirez de vraies recettes. Alors que si votre itinéraire s’arête à une coupe rase à 40 ans, vous aurez principalement eu comme recettes intermédiaires… des clopinettes !

      En résumé, l’attente la plus longue n’est pas entre 40 et 80 ans, mais entre 0 et 40 ans !
      Jacques Hazera

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