Dans le Paris-Province d’hier

(Sud-Ouest Dimanche du 17 février 2013),

Jean-Claude Guillebaud

nous incite une nouvelle fois

à briser nos chaînes.

« Monsieur le banquier est servi »

Lisons sur le site de Sud-Ouest :

Monsieur le banquier est servi - Vignette

Ou bien lisons directement ci-dessous :

« Monsieur le banquier est servi !

Publié le 17/02/2013 par Jean-Claude Guillebaud

Mettons bout à bout quelques informations récentes : l’immolation par le feu d’un chômeur à Nantes, l’annonce d’une nouvelle compression des dépenses de l’État, les sombres perspectives concernant la croissance dans la zone euro, y compris dans la « vertueuse » Allemagne. Égrenant tout cela, je n’ai nullement envie de nier la gravité de notre endettement et l’urgence qu’elle implique dans l’effort collectif. Pas question de pleurnicher. Il s’agit de consentir tous ensemble aux sacrifices.

L’ennui, le gros ennui, c’est que, dans le même temps, François Hollande et son ministre des Finances capitulent en rase campagne devant le lobby bancaire. Et ce ne sont pas les deux ou trois amendements plus sévères imposés par les élus socialistes qui changent sérieusement la donne. Le 22 janvier 2012, François Hollande avait promis d’amener à la raison « le monde de la finance ». Un an après, c’est cette même finance et les hauts fonctionnaires de Bercy qui lui sont inféodés qui dictent leur loi. Allez donc expliquer cela aux citoyens à qui on va demander de nouveaux efforts !

Il y a d’un côté la dette et de l’autre la toute-puissance de l’argent. Là est le problème. Et quand je dis puissance, il faudrait mettre à ce mot une majuscule. En additionnant la rémanence des paradis fiscaux, la pratique du « shadow banquing » (banque occulte), la manipulation des cours via la spéculation haute fréquence, le boursicotage sur les produits alimentaires et mille autres « optimisations fiscales », on mesure le degré de folie ambiante. Chaque citoyen sent littéralement, sous ses pieds ou au-dessus de sa tête, le poids d’un appareil de domination au regard duquel les garanties démocratiques « à l’ancienne » ne pèsent plus grand-chose. Ainsi coexistent deux figurations de la vérité : celle, théâtrale et sermonneuse, à l’intention du citoyen et l’autre, la vraie, la sérieuse, réservée aux initiés d’une minuscule oligarchie.

C’est à cette dernière que je pense chaque fois qu’est susurrée par les politiques ou les commentateurs à la Giesbert la complainte de la dette. On en connaît les couplets. Depuis trente ans, répète-t-elle, les peuples d’Europe ont vécu à crédit. Ils ont été – surtout au Sud – les cigales de la fable. Il s’agit maintenant de rembourser au plus vite nos dettes abyssales, sauf à demeurer dans les mains des financiers. Allons-y donc pour les « réformes de structures », la « flexibilisation » et les « privatisations », c’est-à-dire le grand détricotage du droit social ! Or, cette récitation moralisatrice se garde bien, sauf exceptions, d’évoquer le pillage planétaire de nos sociétés par les corsaires de la finance, un pillage bien plus coûteux encore que la prétendue prodigalité des peuples. Tout se passe comme si le « sang du pauvre » (Léon Bloy) servait à calmer, au jour le jour, les fringales de l’ogre. Le réel, celui des peuples, des citoyens ordinaires, se voit ainsi rançonné par cette « chose » fantasmatique qu’on appelle les marchés financiers.

Pourquoi l’adjectif « fantasmatique » ? Parce que lesdits marchés ont de moins en moins de rapport avec l’économie réelle. Un exemple : chaque jour, les diverses transactions sur le pétrole portent sur 4 milliards de barils. Or, la production mondiale quotidienne, elle, ne dépasse pas 90 millions de barils. Les spéculations sur le pétrole représentent donc 44 fois la quantité effectivement produite (!). En moyenne, chaque baril est ainsi acheté et vendu 44 fois ! Des fortunes se gagnent ainsi en changeant de place – virtuellement – des milliards de dollars fictifs. Une folie, en effet.

Et, quand il s’agit de combattre ce que François Hollande appelait « le monde de la finance », on se contente, le moment venu, de lui envoyer quelques boulettes en papier. Hou ! les vilains ! Les banquiers, savez-vous, sont finalement très contents de Pierre Moscovici, qui se présente lui-même comme leur « partenaire ».

Quelque chose me dit qu’on joue avec le feu…

Il y a d’un côté la dette et, de l’autre, la toute-puissance de l’argent. Là est le problème… »


Allez, un peu de courage : secouons-nous, que diable !

Chassons les marchands du temple,

Reprenons le pouvoir,

Sortons de la ploutocratie,

Choisissons notre chemin en peuple souverain !

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